CÉRÉMONIAL
DE LA RENCONTRE
« J’étais heureux ! … non, hier je n’ai pas été
heureux ; le matin j’ai été tourmenté par l’attente ; debout, près de
la petite fenêtre, avec une émotion indescriptible, je scrutais le chemin
couvert de neige – elle ne venait pas ! À la fin je perdais espoir, quand
tout à coup je la rencontre inopinément dans l’escalier, – délicieux
instant !... […] Comme elle était jolie ! Comme sa robe noire allait
bien à la chère Bakounine !
Mais pendant dix-huit heures je ne l’ai pas vue – ah !
quelle situation, quelle torture !...
Mais j’ai été heureux cinq minutes… »
                                                (OC3, p.10 ; traduction
légèrement modifiée)
Я
счастлив
был!.. нет, я
вчера не был
счастлив; поутру
я мучился
ожиданьем, с
неописанным волненьем
стоя под
окошком,
смотрел на
снежную
дорогу – ее не
видно было! –
наконец я
потерял
надежду,
вдруг
нечаянно встречаюсь
с нею на
лестнице, –
сладкая
минута!.. […]
Как
она мила
была! как
черное
платье
пристало к
милой
Бакуниной!
Но
я не видел ее 18
часов – ах!
какое
положенье,
какая мука!...
Но
я был
счастлив 5
минут – –
Un
psychologue qui connaîtrait bien l’œuvre de Pouchkine se délecterait à lire ce
passage ; il s’agit d’une note consignée dans un journal intime le 20
novembre 1815. On dirait qu’y sont préfigurés d’innombrables poèmes. Le plus
frappant est le contraste final, la forme qu’il donne au temps vécu : un
instant de particulière intensité, et des heures monotones.
En fait,
nous prenons garde à ce texte parce que nous le lisons à travers des
poèmes ; ce sont eux qui ont donné au temps la forme que nous nous
plaisons à retrouver ici.
La vie
sentimentale de Pouchkine a longtemps été fort agitée, même si l’on entend
« sentimental » dans le sens le plus étroit : celui qui met en
jeu les grands sentiments, en excluant les amours vénales. Les commentateurs se
sont crus obligés – manie qui sent son XIXe siècle – d’identifier
les destinataires de tous les textes où le poète figure en amoureux. C’est
ainsi qu’Efim Etkind a soigneusement trié les poèmes d’amour au milieu des
autres et les a donnés en rendant à chacune son dû et en groupant l’ensemble
sous le titre « les Muses » (EE1, pp. 168-198). Un lecteur non
prévenu aurait le plus grand mal à imaginer tout seul ce classement, qui repose
uniquement sur quelques informations extérieures à l’œuvre poétique et sur un
nombre non négligeable d’hypothèses qu’il est hors de question de
vérifier ; le poète lui-même ne livre jamais de noms propres à la
curiosité du public.
Les
biographes ont beau jeu de peindre un Pouchkine constamment épris de telle ou
telle beauté, et souvent de plusieurs à la fois. S’ils préfèrent donner dans le
grivois, l’occasion ne leur fait jamais défaut ; on a fabriqué et même
traduit en français un faux « Journal secret » de Pouchkine, qui
relève de la littérature simplement pornographique.
DON JUAN
On peut
donner des noms, d’autant plus que le poète a laissé, sur l’album d’une de ses
belles amies, une liste. Cette liste est inintelligible ; elle ne comporte
que des prénoms, avec des numéros : Natalia I, Katerina I, Katerina II, Katerina
III, Aglaïa, Calypso, etc. Les savants hésitent
encore sur l’identification de telle ou telle ; et l’on continue à gloser
sur ce « catalogue de Don Juan », nom qui rappelle évidemment la
petite tragédie que Pouchkine a consacrée au héros de Molière et de Mozart. Don
Juan est-il aussi un double de Pouchkine ?
On
serait tenté de le soutenir, non pas sur la foi de documents plus ou moins
sûrs, mais parce que reviennent dans la tragédie des motifs que l’on rencontre
dans des poèmes, donc parce que le processus de stylisation mené dans la poésie
lyrique se poursuit dans la poésie dramatique. La comparaison aboutit à un
paradoxe : les poèmes d’amour se ressemblent tous, au point qu’il est
souvent impossible de déterminer si deux d’entre eux, pris au hasard, sont
adressés ou non à  la même destinataire.
Mais dans la tragédie les trois femmes évoquées ou mises en scène sont aussi
différentes l’une de l’autre qu’il est possible. Or chez Molière ou chez Mozart
– ou tout au moins chez son librettiste – il semble bien que toutes les femmes
se valent, et que l’on n’établit pas de distinctions entre elles : pur
que porti la gonella, chante Leporello,
« pourvu qu’elle porte jupon ».
Évoquée
seulement, Inès est l’objet moins d’une description que d’une caractérisation
qui d’emblée la distingue de toutes les autres ; la mémoire de Don Juan
paraît étrangement fidèle :
 Quel charme étrange
Dans ce
regard douloureux, sur ces lèvres
Comme
glacées par la mort ! C’est bizarre.
Tu la
jugeais, je crois, juste passable.
Insignifiante.
Et tu n’avais pas tort.
Elle
avait peu de beautés vraies. Les yeux,
Rien que
les yeux. Et le regard. Jamais
Je
n’avais vu pareil regard. Sa voix,
Douce,
plaintive, une voix de mourante.
                        (EE1, p. 34 ; cf. LM, p. 242)
Странную
приятность
Я находил
в ее
печальном
взоре
И
помертвелых
губах. Это
странно.
Ты,
кажется, ее
не находил
Красавицей.
И точно, мало
было
В ней
истинно
прекрасного.
Глаза,
Одни
глаза. Да
взгляд...
такого
взгляда
Уж
никогда я не
встречал. А
голос
У ней был
тих и слаб –
как у больной
–
Présente
aux yeux du spectateur tout au long de la seconde scène, Laura la comédienne
révèle un autre Don Juan :
« Lui, mon fidèle ami et mon amant volage. »
                                                (LM, p. 250 ; cf. EE1, p.50 )
                        Мой
верный друг,
мой ветреный
любовник
L’adjectif
« fidèle », même s’il est éloigné du mot « amant » par
toute les distances d’une antithèse, convient-il vraiment au personnage ?
Nous le savons dès la première scène : Don Juan, malgré une sentence
d’exil, est revenu dans la capitale de sa propre autorité – Pouchkine avait
rêvé d’accomplir ce geste – et il est revenu pour voir Laura. Ce héros de
l’inconstance se montre capable d’un singulier attachement, qu’il plaît à
certains commentateurs de considérer comme purement sensuel et, pour cette raison,
méprisable. Plutôt que de faire la morale à des personnages de fiction qui n’en
ont cure, on peut remarquer que, comme dans le cas d’Inès, les aventures de ce
Don Juan-là ne semblent pas confinées dans l’instant : la mémoire joue son
rôle ; le retour est possible.
Reste
Dona Anna, la véritable héroïne de la tragédie, puisqu’elle figure dans trois
scènes sur quatre. La tradition, notamment chez Mozart, donnait ce nom à la
fille du Commandeur. Pouchkine a transformé le personnage : il en a fait
la veuve du « Convive de pierre » ; il l’a voulue mariée jeune
et sans amour à un homme déjà vieux, puis strictement soumise à son devoir de
veuve : elle va pleurer chaque jour sur la tombe de son époux défunt.
C’est là que Don Juan, sous un faux nom, commence sa cour par l’aveu d’un amour
irrésistible et funeste, avant d’obtenir sans trop de peine un rendez-vous.
Reçu chez elle par la jeune femme, il se démasque : il est le meurtrier du
Commandeur. Donc il joue un rôle, et d’importance, dans le passé de celle à qui
il parle. Et il se remémore son propre passé de séducteur pour en maudire le souvenir.
Anna vient de dire : « Ainsi donc, voilà Don Juan ». Le héros
enchaîne :
On vous a dit de lui :
« C’est
un impie, un scélérat, un monstre. »
Dona
Anna, on disait vrai peut-être.
Et ma
conscience est lasse de porter
Comme un
fardeau tout le mal que j’ai fait. 
Oui, la
débauche a été mon école.
Mais il
s’est fait en moi un changement, 
Un
renouveau lorsque je vous ai vue.
En vous
aimant, c’est la vertu que j’aime,
Et mes
genoux, pour la première fois,
En
tressaillant, fléchissent devant elle. 
                                    (EE1, p. 71 ; cf. LM, p. 278)
Не правда
ли, он был
описан вам
Злодеем,
извергом. – О
Дона Анна, –
Молва,
быть может,
не совсем
неправа,
На
совести
усталой
много зла,
Быть
может,
тяготеет.
Так, разврата
Я долго
был покорный
ученик,
Но с той
поры, как вас
увидел я,
Мне
кажется, я
весь
переродился.
Вас
полюбя, люблю
я
добродетель
И в
первый раз
смиренно
перед ней
Дрожащие колена преклоняю.
Cette
tirade a donné lieu à de subtiles disputes entre commentateurs ; les uns
ont soutenu que Don Juan mentait, d’autres qu’il était sincère. À quoi
mesure-t-on la sincérité d’un personnage de fiction ? Pareilles
interprétations en apprennent plus sur l’exégète que sur le texte. Il reste –
et c’est ce qui peut nous intéresser – que cet amour pur et vertueux est lié à
la mémoire comme toute autre forme d’amour.
Leporello, le
valet-confident, – son nom est repris de Mozart – dit bien, juste après
l’évocation d’Inès, que son maître ne se laisse pas longtemps distraire du
présent par le souvenir de ses amours défuntes. Si bref soit-il, ce souvenir
existe. Or, le Don Juan classique semblait plutôt enclin à s’imposer un devoir
d’oubli.
AMOUR ET
MÉMOIRE
Une
lecture même rapide des poèmes d’amour fait apparaître la constante présence de
ce motif du souvenir, quelle que soit la destinataire du poème. On lit, par
exemple, dans un texte écrit le 25 août 1821 : 
« Mon amour ! ce passé n’est plus pour moi
qu’oubli. »
                                               (EE1, p. 169 ; trad. de
Robert Vivier)
Мой друг,
забыты мной
следы
минувших лет.
Si on
poursuit la lecture, on comprend que le passé est au contraire parfaitement
présent à l’esprit de celui qui parle, mais qu’il n’en veut rien dire, de peur
de la troubler, à celle qu’il appelle « mon amour ». Les
« folles passions » ont des secrets funestes : le poète suggère
que, s’il racontait sa vie, son amour finirait par faire horreur à celle qu’il
aime – tel est littéralement le sens de l’original traduit par « peut-être
mon ardeur t’alarmerait. »
Voilà un
texte qui, à des détails circonstanciels près – la jeune fille à laquelle il
est adressé n’a pas la même expérience de la vie que la jeune veuve Dona Anna – , ressemble à la brève confession de Don Juan. On pourrait
aussi, mutatis mutandis, le rapprocher de certaines pages d’Eugène
Onéguine, et notamment de celle où le héros vient répondre de vive voix, et
de la manière la plus froide, à la lettre passionnée que Tatiana lui a écrite. 
Il
arrive qu’un texte lyrique projette dans le futur le moment de la
remémoration ; ainsi par exemple, dans ce poème daté du 5 janvier
1830 :
Que t’importe mon nom ? Il mourra, comme meurt
 La voix triste du flot
sur un lointain rivage,
Comme meurt un bruit sourd la nuit dans la forêt.
Sur le papier où tu l’écris, il laissera
Une trace sans vie, comme sur une tombe,
Dessin privé de sens, une langue inconnue.
Que t’importe mon nom ? Dans ta vie agitée
Tu l’auras oublié. Il ne pourra donner
A ton âme de souvenirs tendres et purs.
Mais un jour de chagrin, dis-le, dans le silence.
Dis-toi : il est quelqu’un qui se souvient de moi
Il est un cœur au monde où revit ùon
image. »
(JLB, (p. 165). Voir également LM, p. 122; EE1, p. 137)
Что
в имени тебе
моем?
Оно умрет,
как шум
печальный
Волны,
плеснувшей в
берег
дальный,
Как звук
ночной в лесу
глухом.
Оно
на памятном
листке
Оставит
мертвый след,
подобный
Узору
надписи
надгробной
На
непонятном
языке.
Что
в нем?
Забытое
давно
В
волненьях
новых и
мятежных,
Твоей
душе не даст
оно
Воспоминаний
чистых,
нежных.
Но
в день
печали, в
тишине,
Произнеси
его тоскуя;
Скажи:
есть память
обо мне,
Есть в
мире сердце,
где живу я...
 Il
arrive qu’un texte lyrique soit tout entier organisé autour de la remémoration
elle-même :                                   « Je me rappelle un jour
d’orage ;
J’étais jaloux de tous ces flots
Qui venaient, chacun à son tour,
Ramper, pleins d’amour, à tes pieds !
J’aurais voulu, comme la mer,
Effleurer tes pieds de mes lèvres ! »
(EO,I.33)
Я
помню море
пред грозою:
Как
я завидовал
волнам,
Бегущим
бурной
чередою
С
любовью лечь
к ее ногам!
Как
я желал тогда
с волнами
Коснуться милых ног устами!
Le trait le plus étrange de cet exemple est qu’on ne
sait quel statut il convient de lui accorder. Il s’agit de ce qu’on appelle
traditionnellement une « digression lyrique » au milieu du roman en
vers Eugène Onéguine. On peut supposer, on a supposé que le texte
est  autobiographique ; on a donné
divers noms de dames à qui attribuer ces admirables petits pieds. Mais le texte
est pris dans un roman, lieu où se déploient, en principe, toutes les fictions.
C’est de fiction aussi
que l’on serait tenté de parler à propos du très célèbre poème :
« Je me rappelle un instant merveilleux »
Devant moi tu es apparue,
Comme une vision fugitive,
                                               Comme
l’Esprit de la pure beauté. »
                        (JLB, p.
149 ; voir aussi LM, p. 63)
Я
помню чудное
мгновенье:
Передо
мной явилась
ты,
Как
мимолетное
виденье,
Как
гений чистой
красоты.
On est sûr, pour une
fois, que les événements auxquels ce texte fait allusion se sont réellement
produits. À la dame dont le nom est remplacé, dans le titre du poème, par trois
étoiles, Pouchkine écrit, le 25 juillet 1825, en français : 
« Votre
visite à Trigorsky m’a laissé une impression plus
forte et plus pénible que celle qu’avoit produite jadis notre
rencontre chez Olénine. Ce que j’ai de mieux à faire au fond de mon triste
village, est de tâcher de ne plus penser à vous. »
(OC3, p. 159)
Trigorsky, comme
dit Pouchkine, est un village proche de Mikhaïlovskoïé et il est de fait que
Pouchkine a rentré Anna Kern à Pétersbourg, six ans plus tôt, chez les Olénine.
Le poème se construit
autour de cette double rencontre. On n’y retrouve ni la comparaison des deux
impressions, l’une « plus forte » que l’autre, ni le mot
« pénible », ni l’idée qu’il vaut mieux tout oublier. La stylisation
n’a gardé que la distance temporelle, la figure fondée sur le retour d’une
image et le retour d’un souvenir. 
L’ « instant
merveilleux » est décrit comme celui d’une révélation : « devant
moi tu es apparue ». Ce motif, lui aussi, est fréquent. Il a, sans aucun
doute, une valeur scénique, dont Pouchkine est conscient puisque, dans le Convive
de pierre, il ménage deux fois une entrée de Dona Anna ; il a aussi
une valeur rituelle, qui apparaît particulièrement dans le texte intitulé
« Incantation » (LM, p. 137) ou « Évocation » (EE1, p. 174 et
p. 175). Du rituel magique au rituel religieux, il n’y a qu’un pas.
LE RITUEL
Dans de nombreux poèmes
de Pouchkine, l’image féminine est l’objet d’une adoration. Le motif serait
banal s’il demeurait abstrait, si le poète se contentait de faire usage d’un
vocabulaire religieux sans recourir à ce qu’il faudrait appeler la liturgie. L’image
de Dona Anna n’est pas seulement visible aux yeux des spectateurs ; elle
est évoquée tout au long par des tirades de Don Juan qui, à chaque instant,
indiquent la place de celui qui regarde et de celle qui est regardée. La
contemplation est mise en scène par le discours. Il en va de même dans le
sonnet intitulé « La Madone » (JLB, p. 163 ; cf. EE1, p.
197) : il ne suffit pas au poète de décrire l’icône à laquelle pourrait
être comparée la femme aimée ; il lui faut encore dire que cette image est
descendue vers lui :
« Tous
mes désirs sont accomplis. Le Créateur
Du Ciel
t’a fait vers moi descendre, ô ma Madone,
Du
charme le plus pur, toi, la plus pure image. »
Исполнились
мои
желания.Творец
Тебя мне
ниспослал,
тебя, моя
Мадонна,
Чистейшей
прелести
чистейший
образец.
1830
 
Le mot
« image » trouble l’analyse, parce qu’il est équivoque. Nous l’utilisons comme synonyme de
« comparaison », mais nous disons aussi qu’un mot « fait
image », quand nous avons l’impression qu’il sollicite l’imagination
visuelle. Dans le sonnet de Pouchkine, la comparaison est seulement suggérée ;
aucun terme grammatical, aucun « comme », aucun « ainsi »
n’en indique la réalisation. Quant au jeu de l'imaginaire, il ne suppose pas
seulement la vision d’un objet statique, mais aussi la perception d’un
mouvement dans un espace orienté par rapport à celui qui parle : la Madone
descend vers celui qui l’attend. Elle se révèle.   
La « Madone » est écrite pour Natalia Nikolaïevna Gontcharova, que Pouchkine épouse en février
1831. Les biographes, surtout s’ils aiment les vies légèrement romancées,
connaissent tous les détails de l’aventure, la complexité des négociations
préliminaires avec la future belle-mère, les difficultés d’argent du ménage,
les tentations de la jeune, trop jeune épouse, les commérages, le duel final.
La vie conjugale de Pouchkine n’apparaît pas dans son œuvre, sinon dans
l’exacte mesure où peuvent s’y retrouver les motifs auxquels il tient. Le petit
poème très intime qui, selon les traducteurs, commence par « Je ne suis
pas épris des transports furibonds… » (LM, p.332) ou par Ah non ! Je
n’aime pas les plaisirs agités… ((EE1, p. 198), ou encore par « Non, non,
je n’aime pas le plaisir effréné… » (JLB, p. 164), est fondé sur l’image
qui oppose un passé détesté à un présent chéri. Le temps y est sensible.
Non, non, je n’aime pas le
plaisir effréné,
Les transports passionnés, la
folie, le délire,
Les plaintes et les cris de la
jeune bacchante,
Lorsque comme un serpent se
tordant dans mes bras,
D’une caresse ardente et d’un
baiser mordant
Elle hâte l’instant des
convulsions suprêmes.
Comme tu m’es plus chère, ô
toi qui restes calme,
Tu donnes un bonheur tout mêlé
de tourments, 
Lorsque, cédant enfin à mes
longues prières,
Tu te livres à moi, tendre,
mais sans ivresse ;
Froide de ta pudeur, tu ne
réponds qu’à peine
Au transport qui m’entraîne,
et tu n’écoutes pas.
 Ensuite seulement  tu viens à t’animer ;
Enfin sans le vouloir tu
partages ma flamme.
Нет,
я не дорожу
мятежным
наслажденьем,
Восторгом
чувственным,
безумством,
исступленьем,
Стенаньем,
криками
вакханки
молодой,
Когда,
виясь в моих
объятиях
змией,
Порывом
пылких ласк и
язвою
лобзаний
Она
торопит миг
последних
содроганий!
О,
как милее ты,
смиренница
моя!
О, как
мучительно
тобою
счастлив я,
Когда,
склоняяся на
долгие
моленья,
Ты
предаешься
мне нежна без
упоенья,
Стыдливо-холодна,
восторгу
моему
Едва
ответствуешь,
не внемлешь
ничему
И
оживляешься
потом все
боле, боле —
И делишь
наконец мой
пламень
поневоле!